jeudi 14 octobre 2010

Social traitre


La première scène du film nous projète brutalement dans le vrai sujet du film. Non pas les réseaux sociaux, ni facebook, mais la vitesse, notre fascination pour celle-ci et la façon dont elle détruit les rapports sociaux, voire notre humanité. Mark Zuckerberg débite sa stratégie pour intégrer les clubs d’Harward à sa craquante petite amie qui, elle, vient apparemment de rompre avec lui. Son amie l’écoute, lui intègre certaines informations contenues dans les propos de son ex pour répondre sur un autre sujet: les clubs. La logorrhée du personnage principal est ahurissante, et sa capacité à ne pas tenir compte de son amie est particulièrement navrante et l’excellence des dialogues bluffantes. "Moderato Cantabile" façon Howard Hawks. 

A cette vitesse fascinante des dialogues d’Aaron Sorkin, David Fincher répond par le calme de sa mise en scène et l’attention qu’il porte aux personnages. La retenue de Fincher est en soit, un acte de politique face à un monde qui va de plus en plus vite. Il le dira au Monde, la bataille qu'il a menée auprès de Columbia, c'est une bataille pour avoir du temps. Dès lors Fincher mènera l’enquête sur le culte de la vitesse et de la modernité qui caractérise notre monde. Chaque scène sera une pièce de plus au nouveau puzzle du réalisateur, où à travers le portrait de Zuckerberg, Fincher dresse un tableau angoissant d’une société dont le système idéologique valorise la compétition et qui grâce à la technologie va rendre cette compétition encore plus féroce, plus rapide, et plus inhumaine. The Social Network est une version grand public de la pensée de Paul Virilio qui depuis plus de 20 ans met en garde contre cette fascination qu’il considère comme particulièrement inquiétante car pouvant mettre en péril l'humanité. Internet et les réseaux sociaux nous ont fait rentrés dans un monde ou la vitesse a atteint un tel niveau qu’elle se transforme en immédiat. 

Après s’être fait largué, Mark Zackerberg s’ennivre de bières et d’algorythmes pour épater toute la fac à coup de sites pirates misogines et de hacking furtifs. Ainsi née la structure de The Face Book. Eduardo Saverin, le seul “ami” de Zuckerberg travail à faire connaître leur machin cool, mais trop attaché attaché a l’ancien temps, celui du métro et de l’avion, il se fera éliminer par Sean Parker, créateur turbulent de Napster, qui montera une affaire pour Zackerberg avec un fond d’investissement après quelques rails de cocaïne, une ou deux fêtes, trois coups de téléphone et une dizaine de mails tout ça sans bouger de la villa de Zuckerberg qu’il squatte sans gène. Dans les mains de Zackerberg, Facebook est juste un truc cool avec le visage humain de Saverin. 

Une fois rattrapé par la puissance du capitalisme, facebook deviendra ce monstre qui échappe à son créateur. Une fois repris par Sequoïa Capital (rebaptisé; Case Equity dans le film. c’est à souligner car cela révèle les vrais patrons de facebook) le machin cool devient un outil idéologique. Les fonds d’investissements qui utilisent des universitaires spécialistes des mathématiques financières, transformant chaque crise financière en de nouvelles possibilités de profits, se servent également d'informaticiens de génie de la haute bourgeoisie n'ayant d'autres buts que la jouissance de leur génie, pour en faire une mode, quelque chose d'inutile qui nous est devenu essentiel. ainsi des machins cool comme the facebook ou napster deviennent facebook ou itunes.

Internet et Facebook ne sont que des outils que l’on peut contrôler a sa guise si l’on sait s’en servir, mais tel qu’ils sont vendus actuellement se sont des moyens d’uniformiser nos émotions, nos idées et notre vision du monde. Comme le dit Paul Virilio «nous vivons une synchronisation de l'émotion, une mondialisation des affects. Au même moment, à l'échelle de la planète, on peut ressentir la même terreur, la même inquiétude pour l'avenir ou ressentir la même passion. C'est quand même incroyable. Ce qui me porte à croire que nous sommes passés de la standardisation des opinions -rendue possible grâce à la liberté de la presse- à la synchronisation des émotions. La communauté d'émotion domine désormais les communautés d'intérêt des classes sociales qui définissaient la gauche et la droite en politique, par exemple. Nos sociétés vivaient sur une communauté d'intérêt, elles vivent désormais un communisme des affects.”. Le vrai monstre qui se cache derrière facebook et l'internet, n’est pas Mark Zackerberg, écrasé par ce qu’est devenu Facebook, mais bien le capitalisme financier qui a tout intéret controler les réseaux sociaux, l'internet, les flux d'images et d'informations et à imposer le dictate de la vitesse effrénée quitte a détruire l'humanité. Face a cette menace, il faut se battre et pour conserver le contrôle du temps et des outils informatiques. The Social Network est une pierre, importante, pour nos prochaines barricades. Fincher a réussi sa bataille et nous offre une nouvelle fois un oeuvre d'une grande richesse.

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