jeudi 28 octobre 2010

Je ne suis qu'un crie.


« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur,car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... » 

Aimée Césaire.


On est un peu gêné lorsqu'on sort d'Un Homme quicrie...il s'agit quand même d'un film primé à Cannes. Le prix du jury, ce n’est pas rien. Un peu de respect...

Et puis de la condescendance, le réalisateur est africain, si il est difficile de monter un film en général, l'économie du cinéma étant à une exception près pas très florissante, il est encore plus difficile de monter un film en Afrique et surtout dans un pays en guerre. Il n'empêche qu'Un Homme Qui Crie est un film qui confond épure et schématisme. Et ce n’est pas aider le réalisateur de Darrat que de le récompenser pour ce genre de travail.

Autour d’une piscine d’un hotel de luxe, Mahamat-Saleh Haroun nous propose de suivre la vie quotidienne d’un père, ex champion de natation, et de son fils, tout deux travaillant comme maître nageur pour le compte du complexe hotélier. Derrière ce décor de vacances, la guerre.

On y revient pas, l’idée d’évoquer la géopolitique actuelle à travers l’exemple du Tchad est intéressant; concentrer la géopolitique mondiale et les enjeux auxquels l'Afrique est confrontée ainsi que ses résultats catastrophiques sur les africains autour d’une piscine est une idée brillante. Malheureusement Mahamat-Saleh Haroun ne lui laisse pas le temps de se développer. On peut supposer que c’est à cause d’impératifs budgétaires, ou bien par une trop grande ambition du réalisateur, mais soit le film est trop court pour évoquer la complexité du sort de l’Afrique, soit pas assez radical dans l’épure. Le film, en tout cas, déçoit.  

On se retrouve non avec des personnages complexes, ni même avec des corps représentant des Idées, mais avec des situations hantées par des figures schématique. Là une patronne chinoise évoquant le néocolonialisme économique de la puissante Chine, ici les militaires de l’Eufor qui font office de figurants ne laissant aucun doute sur l’efficacité des forces de stabilités envoyé dans la région. Là, des touristes occidentaux qui rient de bon coeur et profitent de la piscine au moment ou Adam donne son fils aux rebelles: une guerre qui se déroule dans l'indifférence. Et enfin Adam et sa famille qui, bien que moteur de l’action ne trouvent pas la force de changer les choses, maltraités par les mafias tchadiennes qui utilisent les vies de la jeunesse pour conserver leur pouvoir dans une guerre dont le but est insaisissable et maltraité également par la logique des ressources humaines de la direction de l'hotal. L’imperialisme et le capitalisme sauvage, a eu raison de l’oasis de paix qu’aurait pu être l’Afrique, un oasis asséché par le colonialisme européen et artificiellement reconstruit, une piscine, par une Chine trop pressée pour s’interesser aux vraies richesses de ce continent. Une richesse qui se dévoile qu'à la toute fin du film, au bord d'un fleuve.

KABOOM



On a du mal à comprendre pourquoi Gregg Araki a voulu persister à réaliser un nouvel opus à sa trilogie de l'Apocalypse (Totaly Fucked Up/Doom Generation/Nowhere). Gregg Araki, la cinquantaine, tente de retrouver une jeunesse et une innocence définitivement perdue.


Toujours la même histoire d’un beau jeune homme naïf qui tombe brusquement dans l’absurdité du monde, sa folie et sa destruction. Pourquoi pas.  A partir de ce postulat il est toujours possible de partir autre part que vers Doom Generation ou Nowhere. Sauf que Greg Araki semble avoir perdu la main, son écriture patine et il esquisse un palimpseste inutile. On a la désagréable impression de voir un bonus du coffret dvd de sa trilogie culte. Kaboom est certes fournis en dialogues percutants, la direction ainsi que la plastique des acteurs est impeccable et forcement la direction artistique est à la hauteur d’un film de Greg Araki, mais cela ne suffit pas a en faire un film intéressant. Tout est prévisible, pas d'heureuse surprise. C’est un film sans accident. Après le très beau Mysterious Skin et le space cake de Smiley Face, Kaboom est une oeuvre régressive.  



A moins que…A moins que..Cela soit moi qui ai vieillis, plus exigeant, et rattrapé par un monde pas très fun, je sois moins perméable à la légèreté, à la déconne… Mais sa trilogie de l’Apocalypse était plus légère? Il me semble que Doom Generation et Nowhere (n’ayant pas vu Totally Fucked Up) ont sur décrire une certaine génération (une génération maintenant trentenaire) sans but, sans avenir, totalement capté par la société de consommation (pop culture, sex and drugs) attendant leurs morts en faisant la fête. Tout ça construisant un univers visuel cohérent où la fascination plastique (des corps, des plans) nous pousse à faire face à nos angoisses.  Bref un équivalent cinématographique aux histoires adolescentes conté par Bret Easton Ellis où le LSD remplace la cocaïne.



Est ce un hasard qu’Ellis revienne au même moment sur ces Zombis? Probablement pas. Araki et Ellis se retrouvent à singer leur jeunesse et leurs oeuvres sont aujourd’hui emprunt d’un certain cynisme. Mais peut être que ces deux auteurs pointent un aspect peu agréable, que l’on préférait ne pas voir. C’est à dire la description d’une autre jeunesse, celle du Xxie siècle, une jeunesse qui m'est étrangère, qui essaierait de reproduire l’existence chaotique des années 90 en sachant très bien ou cela va les amener. Un jeunesse singeant la naïveté, jouant le rôle que l’on attend aujourd’hui de la jeunesse, une jeunesse qui prend cyniquement la pose, se contentant du chaos, n’éprouvant: ni crainte face à la mort, ni émotions, vidée de toute humanité. Après 30 ans d’autoritarisme consumériste c’est angoissant finalement.

jeudi 14 octobre 2010

Social traitre


La première scène du film nous projète brutalement dans le vrai sujet du film. Non pas les réseaux sociaux, ni facebook, mais la vitesse, notre fascination pour celle-ci et la façon dont elle détruit les rapports sociaux, voire notre humanité. Mark Zuckerberg débite sa stratégie pour intégrer les clubs d’Harward à sa craquante petite amie qui, elle, vient apparemment de rompre avec lui. Son amie l’écoute, lui intègre certaines informations contenues dans les propos de son ex pour répondre sur un autre sujet: les clubs. La logorrhée du personnage principal est ahurissante, et sa capacité à ne pas tenir compte de son amie est particulièrement navrante et l’excellence des dialogues bluffantes. "Moderato Cantabile" façon Howard Hawks. 

A cette vitesse fascinante des dialogues d’Aaron Sorkin, David Fincher répond par le calme de sa mise en scène et l’attention qu’il porte aux personnages. La retenue de Fincher est en soit, un acte de politique face à un monde qui va de plus en plus vite. Il le dira au Monde, la bataille qu'il a menée auprès de Columbia, c'est une bataille pour avoir du temps. Dès lors Fincher mènera l’enquête sur le culte de la vitesse et de la modernité qui caractérise notre monde. Chaque scène sera une pièce de plus au nouveau puzzle du réalisateur, où à travers le portrait de Zuckerberg, Fincher dresse un tableau angoissant d’une société dont le système idéologique valorise la compétition et qui grâce à la technologie va rendre cette compétition encore plus féroce, plus rapide, et plus inhumaine. The Social Network est une version grand public de la pensée de Paul Virilio qui depuis plus de 20 ans met en garde contre cette fascination qu’il considère comme particulièrement inquiétante car pouvant mettre en péril l'humanité. Internet et les réseaux sociaux nous ont fait rentrés dans un monde ou la vitesse a atteint un tel niveau qu’elle se transforme en immédiat. 

Après s’être fait largué, Mark Zackerberg s’ennivre de bières et d’algorythmes pour épater toute la fac à coup de sites pirates misogines et de hacking furtifs. Ainsi née la structure de The Face Book. Eduardo Saverin, le seul “ami” de Zuckerberg travail à faire connaître leur machin cool, mais trop attaché attaché a l’ancien temps, celui du métro et de l’avion, il se fera éliminer par Sean Parker, créateur turbulent de Napster, qui montera une affaire pour Zackerberg avec un fond d’investissement après quelques rails de cocaïne, une ou deux fêtes, trois coups de téléphone et une dizaine de mails tout ça sans bouger de la villa de Zuckerberg qu’il squatte sans gène. Dans les mains de Zackerberg, Facebook est juste un truc cool avec le visage humain de Saverin. 

Une fois rattrapé par la puissance du capitalisme, facebook deviendra ce monstre qui échappe à son créateur. Une fois repris par Sequoïa Capital (rebaptisé; Case Equity dans le film. c’est à souligner car cela révèle les vrais patrons de facebook) le machin cool devient un outil idéologique. Les fonds d’investissements qui utilisent des universitaires spécialistes des mathématiques financières, transformant chaque crise financière en de nouvelles possibilités de profits, se servent également d'informaticiens de génie de la haute bourgeoisie n'ayant d'autres buts que la jouissance de leur génie, pour en faire une mode, quelque chose d'inutile qui nous est devenu essentiel. ainsi des machins cool comme the facebook ou napster deviennent facebook ou itunes.

Internet et Facebook ne sont que des outils que l’on peut contrôler a sa guise si l’on sait s’en servir, mais tel qu’ils sont vendus actuellement se sont des moyens d’uniformiser nos émotions, nos idées et notre vision du monde. Comme le dit Paul Virilio «nous vivons une synchronisation de l'émotion, une mondialisation des affects. Au même moment, à l'échelle de la planète, on peut ressentir la même terreur, la même inquiétude pour l'avenir ou ressentir la même passion. C'est quand même incroyable. Ce qui me porte à croire que nous sommes passés de la standardisation des opinions -rendue possible grâce à la liberté de la presse- à la synchronisation des émotions. La communauté d'émotion domine désormais les communautés d'intérêt des classes sociales qui définissaient la gauche et la droite en politique, par exemple. Nos sociétés vivaient sur une communauté d'intérêt, elles vivent désormais un communisme des affects.”. Le vrai monstre qui se cache derrière facebook et l'internet, n’est pas Mark Zackerberg, écrasé par ce qu’est devenu Facebook, mais bien le capitalisme financier qui a tout intéret controler les réseaux sociaux, l'internet, les flux d'images et d'informations et à imposer le dictate de la vitesse effrénée quitte a détruire l'humanité. Face a cette menace, il faut se battre et pour conserver le contrôle du temps et des outils informatiques. The Social Network est une pierre, importante, pour nos prochaines barricades. Fincher a réussi sa bataille et nous offre une nouvelle fois un oeuvre d'une grande richesse.